« Notre vie sur Terre dépend de la biodiversité »

Les citoyens et citoyennes suisses devront s'exprimer dans les urnes concernant l'initiative biodiversité. A Rocha, l'organisation chrétienne de conservation de la nature soutient les objectifs de cette initiative. Entretien avec sa directrice exécutive Ursula Peutot, pour comprendre ce qu'est la biodiversité et pourquoi elle est importante.

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abeille dans le jardin
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19 février 2024
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Politique

En décembre dernier, malgré un contre-projet indirect soutenu par le Conseil fédéral, le Conseil national et les associations de cantons et de villes, une courte majorité du Conseil des Etats a encore refusé de débattre de l’initiative biodiversité. Les citoyens et citoyennes suisses devront donc s’exprimer dans les urnes le 22 septembre 2024. A Rocha, l’organisation chrétienne de conservation de la nature soutient les objectifs de cette initiative. Entretien avec sa directrice exécutive Ursula Peutot, pour comprendre ce qu’est la biodiversité et pourquoi elle est importante.

 

Qu’est-ce que la biodiversité et à quoi sert-elle ?
La biodiversité englobe la variété des environnements naturels, des espèces végétales et animales et de la diversité génétique, et inclut aussi les interactions entre ces trois niveaux. La biodiversité ne constitue pas seulement notre héritage naturel, mais est le fondement de notre prospérité et une garantie de sécurité. Il est reconnu qu’elle est essentielle à notre alimentation (grâce à la pollinisation par exemple), à la régulation du climat, à la purification de l’eau et de l’air, ou encore à notre bonne santé et à l’économie.

 

Justement, on parle de crise de la biodiversité comme on parlerait de crise économique, pourquoi ?
Les chiffres sont alarmants depuis longtemps. Nous parlons d’un déclin de 68% des populations de mammifères, d’amphibiens, d’oiseaux, de poissons et de reptiles en 46 ans, selon le rapport Planète Vivante 2020. Et près de la moitié des milieux naturels sont menacés de disparition selon les données de la Confédération. Or, notre vie sur Terre dépend de la bonne santé de la biodiversité. Les espèces ne peuvent pas continuer de disparaître sans que cela ait un impact sur la planète ou sur nous. Une biodiversité de plus en plus faible fragilise l’équilibre planétaire global. A l’inverse, plus un système est diversifié et plus il est solide et capable de surmonter les difficultés. Dieu a créé cette terre avec un magnifique équilibre dynamique et des interdépendances très riches. En tant que chrétiens et chrétiennes, nous ne pouvons pas considérer la biodiversité comme uniquement instrumentale pour les services écosystémiques qu’elle fournit à l’humain. Ce monde et toutes ses créatures appartiennent à Dieu et lui rendent gloire par leur existence.

 

Quelles sont les causes de cette disparition ?
Elles sont multiples : l’urbanisation, notre utilisation des sols, les pesticides, la pollution, le réchauffement climatique, ou la surexploitation des ressources telles que les océans et les forêts. 7594 km2 de milieux naturels riches en espèces (prairies sèches, zones alluviales, marais) ont disparu depuis le début du 20e siècle, ce qui correspond à peu près à un cinquième de la superficie totale de notre pays. La société dans son ensemble a besoin de revoir comment vivre sur cette Terre avec un autre regard sur le reste du vivant.

 

” Une biodiversité de plus en plus faible fragilise l’équilibre planétaire global. A l’inverse, plus un système est diversifié et plus il est solide et capable de surmonter les difficultés.”

Ursula Peutot, directrice d’A Rocha

 

La foi permet-elle cet autre regard ?
En ce qui me concerne, ma foi joue un très grand rôle dans mon engagement pour la biodiversité, car c’est grâce à une prise de conscience profonde de l’amour de Dieu pour toute sa Création que j’ai le rapport à la nature que j’ai aujourd’hui. Avant, mon envie de prendre soin de l’environnement était orientée principalement vers les êtres humains et l’impact des crises environnementales sur les pauvres et sur la santé. Je me suis toujours sentie proche de Dieu dans la nature et depuis que je travaille pour A Rocha, Il m’a ouvert les yeux sur l’importance qu’elle revêt à ses yeux. J’ai redécouvert des passages de la Bible qui me montrent un tout autre rapport entre Dieu et l’ensemble du vivant et me donnent une nouvelle espérance pour l’ensemble de la Création. Cela change beaucoup mes motivations !

 

Quel impact la perte de biodiversité a-t-elle sur les êtres humains ?
L’affaiblissement de la biodiversité impacte toute la chaine alimentaire. Prenons les abeilles, dont 45% en Suisse sont éteintes ou menacées. Leur disparition provoquerait la perte de la principale source de pollinisation des plantes à fleurs. Cette situation poserait rapidement un sérieux défi pour l’humanité, car notre alimentation ne serait plus assurée. Aujourd’hui, nous constatons un appauvrissement des terres du point de vue agricole et une planète moins capable de répondre aux crises qui l’assaillent. Nous avons besoin d’écosystèmes intacts pour notre nourriture, un air propre, une eau potable et des sols fertiles. Cette capacité de résilience que Dieu a tissée dans sa Création est fortement diminuée.

 

Qu’est-ce qui doit changer pour mieux protéger la biodiversité ?
La prise de conscience existe mais je ne pense pas que la majorité de la population soit consciente de l’ampleur du problème. Pour inverser la tendance, nous devons donner de l’espace aux milieux naturels afin d’encourager la biodiversité, et réfléchir à notre manière de partager notre espace avec les autres espèces. La verdure en tant que telle ne suffit pas ; une pelouse parfaitement tondue est peut-être verte, mais nous n’y trouvons pas de vie. Il est possible de laisser une part à la biodiversité même dans les endroits où il y a une intervention humaine.

 

Est-on sur la bonne voie ?
J’essaie de rester positive. Dans les villes, nous voyons de plus en plus de petits coins de prairies sauvages où un soin pour la biodiversité est appliqué. On y trouve de la vie, des papillons, des insectes et oiseaux qui viennent se nourrir. Cela me donne le sourire. Les mesures de conservation et les mises sous protection sont réellement efficaces et ont été essentielles pour freiner le déclin et protéger des milieux et des espèces qui auraient été décimées. Il y a du positif au sein de ce qui est déjà mis en place, mais les mesures prises aujourd’hui n’auront pas un impact immédiat, c’est pourquoi nous ne devons pas tarder.

 

L’initiative biodiversité est-elle une bonne réponse à cette crise ?
Je pense que ce qu’il faut retenir de cette initiative, c’est que, pour favoriser la biodiversité, il nous faut travailler sur la connexion entre les espèces et les milieux et travailler dans les espaces urbanisés et naturels. En comparaison des autres pays industrialisés, la Suisse présente le plus grand nombre d’espèces menacées et la plus faible proportion de surfaces protégées. Il y a un vrai besoin d’action politique et la mobilisation citoyenne est essentielle. Nous avons tous une capacité d’influence au travers de notre mode de vie ; prendre des décisions positives pour l’environnement est à notre portée.

 

En collaboration avec

Cet article a été rédigé par StopPauvreté et publié dans le Christianisme Aujourd’hui du mois de décembre 2023. Nous l’avons mis à jour ici compte tenu de l’évolution des actualités.

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