Selon l’étude de l’empreinte hydrique suisse, réalisée par la Direction du développement et de la coopération en 2012, 82% de l’empreinte hydrique de notre pays est imputable à la consommation d’eau dans des pays étrangers. Toute cette eau prélevée à l’étranger n’est évidemment pas celle qui coule lorsque l’on ouvre le robinet. Il s’agit d’eau utilisée dans la production de matières premières, dont les produits sont ensuite importés et consommés en Suisse. Problème : de nombreuses régions impactées par notre empreinte hydrique et liée à la consommation de denrées agricoles sont déjà en situation de pénurie d’eau de nombreux mois par année et/ou se situent dans des pays sous-développés.
Augmentation de la demande
De quoi prendre concrètement conscience de l’impact de notre consommation à une échelle globale. Comme il est mentionné dans cette étude, « la ruée vers l’eau est attisée par la hausse de consommation par habitant dans les pays riches, et non par la croissance démographique dans les contrées démunies.»
Il est évident que cette situation ne peut perdurer. D’autant que les projections montrent que d’ici à 2030, la demande en eau excédera de 40% les ressources disponibles. Que faire alors ? Concentrer notre production à l’interne ? Impensable. « La Suisse est un pays riche et d’importation, avec une forte dépendance aux biens de consommation importés depuis l’étranger », affirme Christian Bréthaut, co-directeur de la chaire en hydro-politiques de l’Université de Genève. « Il ne faudrait pas être binaire ou réducteur, poursuit-il, car les importations font également fonctionner des économies locales. En revanche, il y a un vrai travail à faire sur la répartition des bénéfices financiers, qui devraient pouvoir être réinjectés dans les régions productrices. Le problème est qu’il y a une déconnexion entre les personnes qui produisent et la destination du capital. Nous devons également travailler sur le renforcement des capacités d’approvisionnement en eau des régions concernées.»
L’impact du consommateur
Et le consommateur au milieu de tout cela ? Il est en effet bien difficile de prendre conscience de l’impact concret de nos consommations habituelles sur les conditions de vie d’autres populations. « Qu’est-ce que cela change au final ? Si je n’achetais pas ce morceau de viande aujourd’hui, l’eau qui a servi à sa fabrication ne serait pas épargnée puisqu’elle a déjà été utilisée. » Vrai ? Pas tout à fait. « Il y a un vrai levier d’action qui se situe au niveau individuel. Les décisions et actions du consommateur ont un effet à long terme sur les décisions politiques, et nous le constatons actuellement avec la vague verte qui a déferlé en Suisse, mais aussi en France, lors des élections, et avec le regain d’intérêt pour la production locale. Du changement individuel, on arrive in fine à des changements politiques.»
L’empreinte hydrique c’est quoi ?
L’empreinte hydrique est une mesure de consommation d’eau. Elle prend en compte la consommation d’eau directe, pour les besoins courants, et la consommation indirecte, celle engendrée par la production de biens et services. L’empreinte hydrique prend en considération trois « sources » d’eau : les eaux de surfaces ou souterraines absorbées dans le processus de production, le volume d’eau de pluie consommé, et la quantité d’eau douce nécessaire à la dilution des substances polluantes.
*En 2012, source Felix Gnehm
Joëlle Misson