« Durant ces quatre ou cinq dernières années, nous constatons une évolution de l’engagement écologique des chrétiens, avec des initiatives comme EcoEglise, ou Eglise Verte en France. Les églises chrétiennes, toutes dénominations confondues, ont le désir de s’engager pour l’écologie », observe Benoît Ischer, écothéologien et chef de projet pour la Transition écologique et sociale au sein de l’Eglise évangélique réformée vaudoise. La lettre encyclique du Pape François Laudato si’, consacrée aux questions environnementales et sociales et à la sauvegarde de la Création, a également eu des répercussions bien au-delà du milieu catholique.
Mais là où le bât blesse, c’est lorsqu’il s’agit d’être concret. « Pour le moment les églises pataugent, observe-t-il. Les mouvements consacrés à l’engagement écologique dans le milieu chrétien restent en marge des institutions, car nous peinons encore à comprendre en quoi l’écologie doit être une priorité.» Pourquoi ?
Anthropocentrisme et individualisme
En 1967, l’historien nord-américain Lynn White allait jusqu’à dire que l’anthropocentrisme que le christianisme avait provoqué depuis le Moyen-Age était responsable de la crise écologique, en raison du rôle qu’il avait joué dans la domination de la nature et des animaux par l’Homme. Sa thèse n’a jamais cessé d’être source de controverses. Néanmoins elle permet de s’interroger sur le lien entre foi chrétienne et sauvegarde de l’environnement. « Le christianisme n’a pas échappé à l’évolution de l’individualisme, poursuit Benoit Ischer. Cela nous a amené à développer une foi et une spiritualité déconnectées de la nature qui nous entoure. » La mission divine de « dominer » sur la Création a davantage été comprise dans le sens d’asservir et d’exploiter, plutôt de la servir et d’en prendre soin, analyse pour sa part Michel Maxime Egger, sociologue et éco-théologien. « Dans cette lecture cartésienne, la nature n’est plus que le décor de l’histoire du salut. »
Une foi centrée sur l’au-delà
Et la manière dont nous concevons ce salut détermine aussi notre position face à l’écologie : avec une théologie davantage axée sur le ciel et la vie dans l’au-delà, où le but ultime est le salut de l’âme, déconnectée de la matière, on en oublie le présent et l’importance de prendre soin de la terre. « Malheureusement, cette optique ne nous encourage pas à agir pour la préservation de la planète. Or notre salut ne peut être dissocié de celui de la Création », poursuit le spécialiste.
Un défi pour notre confort?
Pour Benoît Ischer, il nous faut donc réussir à connecter les évidences : foi et écologie vont de pair. Le directeur de théologie d’A Rocha International Dave Bookless renchérit : « Beaucoup doivent encore comprendre à quel point le soin à la Création fait partie des objectifs de Dieu décrits dans la Bible. Nous faisons partie intégrante de cette nature, créés à partir de la poussière de la Terre, et avons le devoir de bien nous en occuper Peut-être que le plus grand blocage dans les pays européens est le défi que cela représente dans nos styles de vie riches et confortables », conclut-il.