Vous n’hésitez pas à utiliser la désobéissance civile pour combattre l’injustice. Pensez-vous qu’il s’agisse du seul moyen de lutter contre des lois injustes ?
Il existe une riche tradition de désobéissance civile dans l’Eglise chrétienne et dans les mouvements sociaux du monde entier depuis des siècles. Je la considère comme un outil important que nous avons à disposition. Nous l’utilisons souvent, et nous l’avons trouvé très efficace pour dénoncer et contester les lois et les politiques injustes. Mais la plupart de nos événements publics comportent de nombreuses façons de témoigner. Pour beaucoup de gens, risquer une arrestation n’est pas une option. La situation de certaines personnes peut les empêcher de pratiquer la désobéissance civile – celles qui ont un casier judiciaire, les mineurs, etc. Il est donc important de ne pas considérer la désobéissance civile comme le seul moyen de défier l’injustice.
L’injustice est-elle seulement une question de politiques ?
L’injustice n’est pas seulement une question de politiques. Beaucoup de gens pensent que le racisme ou la violence armée par exemple ne sont pas des problèmes politiques, mais des problèmes de cœur. Je pense que cela peut être les deux. Dieu change les cœurs, et les gens changent les politiques. Nous avons besoin des deux. Pensez au mouvement des droits civiques, ou à la chute de l’Apartheid en Afrique du Sud ; nous avions besoin que les cœurs changent et que les politiques changent. Martin Luther King l’a bien dit : “Une loi ne peut pas faire que vous m’aimiez, mais elle peut rendre plus difficile pour vous de me tuer.” C’est ce que nous voulons voir lorsqu’il s’agit de nos politiques, nous voulons que la vie s’épanouisse, et qu’il soit plus difficile de blesser ou de tuer d’autres personnes ou l’environnement. Beaucoup de nos politiques aux États-Unis sont motivées par la peur plus que par l’amour – la peur de la pénurie, la peur d’être “remplacé” par des immigrants, la peur des personnes différentes de nous… La vraie question est de savoir à quoi ressemblerait notre politique si elle était motivée par l’amour plutôt que par la peur.
Vous affirmez qu’un autre monde est possible. Comment ?
Sans aucun doute, un autre monde est possible. Parfois, notre propre imagination est le plus grand obstacle à un monde meilleur. Avant chaque mouvement social qui a changé le monde – la fin de l’esclavage, l’égalité des femmes – les gens pensaient que c’était impossible… et rétrospectivement, ils ont affirmé que c’était inévitable. C’est pourquoi nous devons rêver au monde tel qu’il pourrait être… puis construire ce monde.
Qu’est-ce qui vous fait garder espoir ?
Je fréquente des gens pleins d’espoir, de joie et de créativité. La communauté, c’est s’entourer de personnes qui nous rappellent qui nous voulons être, et ils déteignent sur nous ; le courage est contagieux, la générosité aussi. Si vous voulez être plus courageux, fréquentez des personnes courageuses. Mon espoir est aussi fermement ancré en Jésus-Christ. Ainsi, même si les choses vont mal, je me rappelle ce à quoi il a survécu et qu’il n’a jamais renoncé à l’amour, même pour ses ennemis. Une dernière chose : nous devons apporter de la joie, c’est pourquoi j’aime les arts du cirque. Je suis jongleur, cracheur de feu, échassier et monocycliste. Nous avons besoin de plus de fête, d’art et de beauté dans le monde.
Shane Claiborne était l’un des invités de la conférence annuelle 2022 de StopArmut. Il a animé une discussion intitulée “Participer à la vision de Dieu”. Vous pouvez visionner son intervention.
Cet article est paru dans le magazine annuel 2022 de StopPauvreté. Si vous le souhaitez, vous pouvez commander gratuitement le magazine.